Rechercher dans ce blog

Bienvenue dans mon domaine pro : celui des projets systèmes d'informations, des achats IT, de la gestion et du management, et du secteur public

28/11/2009

Les unités d’œuvre dans les marchés publics à bons de commande et leur application dans les marchés informatiques

La généralisation des unités d’œuvre dans les marchés publics découle des recommandations des instances de contrôle qui se méfient des marchés à bons de commande. Ce type de marché est souvent jugé peu conforme à l’idéal selon lequel un acheteur public doit définir exhaustivement tous ses besoins, préalablement à la mise en concurrence qui doit ensuite répondre à la demande en produisant le juste prix, exprimé forfaitairement, grâce à la « main invisible du marché ».

A l’opposé, lorsque l’acheteur n’est pas capable de déterminer à l’avance « le rythme et l’étendue de ses besoins», et donc incapable d’obtenir un prix global forfaitaire, il est toléré qu’il conclue avec un fournisseur un marché à bons de commandes.

L’article 77 du Code des marchés publics 2006 indique ensuite : « L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché. Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l'exécution est demandée et en déterminent la quantité. »

Les bons de commande ne doivent pas conduire, selon le Code des marchés, à renégocier les prestations. Puisque le Code des marchés interdit d’inventer, à l’occasion d’une commande, une prestation dont les composants et la valeur n’ont pas déjà été décrites en amont, lors du lancement de la mise en concurrence, il faut que tous les processus de réalisation et les livrables aient été déjà décrits et dimensionnés dans le marché pour pouvoir commander. De cette règle découle la notion des unités d’œuvre (UO).

Les UO servent à décrire le contenu fin des prestations, dont la consistance est « pré-formatée » ou standardisée dans le marché. Commander des prestations en unités d’œuvre s’impose désormais comme une solution pour continuer à utiliser les marchés à bons de commande, tout en satisfaisant aux exigences juridiques. Les UO présentent heureusement de vrais intérêts.


De quoi s’agit il ?


• La valeur contributive de plusieurs tâches concourant à une production « industrielle » peut être agrégée, à la manière d’une comptabilité analytique, pour constituer une unité de compte = l’unité d’œuvre
• Une unité d’œuvre correspond à un processus standardisé concourant à la réalisation d’un service ou d’un produit qui est « formaté »
• Exprimer la réalisation de prestations en unité(s) d’œuvre permet ainsi de fixer financièrement dans le contrat la réalisation d’un engagement de résultat, le fournisseur étant lié par un livrable à fournir, quels que soient les moyens qu’il aura réellement employés au cours de son processus
• Un catalogue d’unités d’œuvres permet de couvrir tout un domaine de prestations ou de produits correspondant à une famille d’achats


Comment décrire les unités d’œuvre ?


• Les unités d’œuvre doivent être bien décrites pour permettre au fournisseur de fixer un prix clair et sincère. A défaut, le risque porté par le fournisseur va l’inciter à la prudence et à prévoir des marges coûteuses.

Une unité d’œuvre (UO) se résume essentiellement par :
• Un livrable ou produit résultant d’un processus de production
• Un délai standard de réalisation
• Un ou plusieurs critères de jugement de la qualité du livrable (et un seuil d’acceptation du résultat)
• Un prix unitaire « global » correspondant à la réalisation d’une unité du produit


N’est-ce pas trop compliqué ?


Adaptées au monde industriel, les UO sont moins fréquentes dans le domaine des services.

• La mise en place des unités d’œuvre doit être proportionnée par rapport à l’objet du marché et à l’enjeu
• Ainsi, lorsque la cible de l’acheteur est une PME « pas chère mais souple et réactive » sur des prestations de services standard, les unités d’œuvres mal décrites ou trop complexes risquent d’être dissuasives ; pour éviter que l’emploi des UO conduise à l’infructuosité de l’appel d’offres, il faut donc qu’elles soient bien décrites.
• Pour des prestations purement intellectuelles, les unités d’œuvre génériques semblent peu adéquates. Les conditions de réalisation de ces prestations étant difficilement standardisables, il faudrait introduire dans le marché à UO une certaine dose de variabilité des engagements et des prix (complexité variable du contexte, des interfaces ou des liens de dépendance, des risques inhérents aux prestations, … ). Ces différentes variables transformeraient le contrat en « usine à gaz » ; dans ce cas, autant remettre l’ouvrage sur le métier et repenser l’ingénierie contractuelle et financière.
• Il convient donc de formuler des unités d’œuvre avec l’esprit d’aboutir à un contrat clair et définissant de réels engagements de résultats, en évitant les constructions abstraites déconnectées de la réalité et des « usages » du commerce.


Trois exemples d’unités d’œuvre dans les marchés informatiques ou SI


1. Dans un contrat de maintenance, l’unité d’œuvre peut être « maintenance d’un PC » : il est demandé dans ce cas au mainteneur de fixer le prix de la maintenance d’un (1) PC en intégrant toutes ses charges (personnel, déplacements, pièces détachées) et en lui délégant la gestion de la garantie constructeur (qui vient en diminution de ses charges, si le PC est réellement couvert par cette garantie) ; quel que soit le nombre d’incidents sur un PC faisant partie du parc à maintenir, le mainteneur devra intervenir pour réparer. Le prix total du service sera le prix de l’unité d’œuvre multiplié par le nombre de PC à maintenir ; pour fixer son prix, le mainteneur doit connaître, notamment, la politique de renouvellement du matériel du client, la proportion du parc restant sous garantie, les statistiques de pannes et d’interventions, ainsi que les éléments dimensionnant les frais de personnel et de déplacement.

2. Dans un contrat d’infogérance, les différentes activités confiées à l’infogérant seront identifiées ; chaque processus pourra faire l’objet d’une unité d’œuvre (ex. pilotage d’un serveur ; administration d’un équipement actif de réseau ; installation et mise en œuvre d’une plate-forme de développement ; etc…) ; les ressources de l’infogérant mutualisées sur plusieurs processus devront être impérativement distinguées et faire l’objet de contrôles qualité distincts

3. Dans un contrat de développement spécifique ou de TMA, l’unité d’œuvre peut être formalisée en utilisant un TJM :




L’UO inclut ici toutes les charges contributives à la réalisation d’un développement informatique (de l’étude préalable jusqu’à la recette), sans faire apparaître les différents profils qui interviennent concrètement ou les moyens techniques contributeurs (plate forme de développement, liaison télécom, outils liés à l’infrastructure, etc…). Ce dernier point devra être mentionné précisément dans le contrat.

Le TJM et les charges d’accompagnement sont des références stables pour toute l’exécution du contrat, quels que soient ensuite les profils individuels mis à disposition lorsque les prestations sont exécutées. La charge brute de développement totale est fixée d’un commun accord entre le client et le fournisseur à l’occasion de la commande. Le calcul de la charge brute de développement permet de déterminer ensuite le coût complet du développement, en y appliquant le coefficient total de charges d’accompagnement (en fonction du niveau de complexité, dont le critère d’application doit être prévu par le contrat).

Ce mode de calcul présente l’avantage d’être facilement contrôlable, tant en amont à la commande (car le volume de la charge brute de développement peut être arrêté communément entre le client et le fournisseur) qu’au moment de la livraison de l’application (retour vers le contrôle de gestion).


Quelles sont les conséquences budgétaires des unités d’œuvre ?

Formaliser les prix du contrat en unités d’œuvre permet de traduire financièrement les obligations de résultat et d’améliorer la qualité de services du fournisseur.

Par l'effet de la standardisation et de l'encadrement des prestations dans le temps, cela doit contribuer aussi à la réduction du coût (la logique d'unité d'oeuvre s'oppose, par principe, aux prestations en régie et à la rémunération au temps passé).

Idéalement, il faudrait que les gains de productivité, que réalise le fournisseur au fur et mesure de l'exécution du marché, puissent compléter les économies budgétaires réalisées grâce à cette forme de montage contractuel.

Je m’explique :

Les prix qui résultent d’un appel d’offres public sont intangibles tant que le marché n’est pas remis en concurrence (« modulo » les clauses de révision de prix standard basées sur un indice économique). Contrairement à un contrat privé, la renégociation des prix n’est juridiquement pas possible dans un marché public. Le prix de l’unité d’œuvre est donc bloqué autant de temps que dure le marché. L’article 77 du code cité plus haut interdit par ailleurs la négociation préalable à la commande (ce qui traduit, du côté du droit public, une conception un peu autoritaire des relations contractuelles, mais c'est comme ça…)

Cela interdit théoriquement de procéder à des ajustements, même lorsque l’exécution du marché montre qu’il est possible de diminuer les coûts (prise en compte des gains de productivité, diminution de certaines exigences pour rentrer dans le budget, changement favorable du contexte de production, mutualisation de certaines ressources diminuant les charges de production, etc…). Faute de pouvoir faire des ajustements au cours de l’exécution du marché, l’acheteur est tenu d’appliquer strictement ce qui a été conclu au titre des UO et peut être empêché de réaliser certaines économies.

Dans la pratique, la préparation des commandes devrait permettre les ajustements dans le calcul du prix total. Pour le fournisseur, les unités d’œuvres n’interdisent pas les économies d'échelle, l’optimisation des conditions de réalisation du marché et les gains de productivité. Pour l’acheteur, les UO ne devraient pas interdire, de manière symétrique, les économies par un recalcul des charges contributives. Des éléments doivent donc être intégrés dans le contrat pour rétablir cet équilibre et retrouver les conditions favorables pour réaliser des économies au fil du temps.

Conclusion :


L’intérêt des unités d’œuvre peut se résumer ainsi : permettre d’obtenir des engagements de résultat en conservant la souplesse d’un contrat à commandes (sans forfait global intangible) ainsi que la maîtrise sur son budget.

Il est également possible d’éviter des gaspillages et de réaliser des économies, par un bon pilotage des prestations et un contrat incluant, du côté de l'acheteur, certains facteurs de baisse qu'il aura su anticiper (je n'en dis pas tout à fait assez, mais c'est volontaire !).


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Présentation

Mes expériences professionnelles

  • Depuis 2004 : responsable du service Achats et Contrôle de Gestion IT au CG92
  • De 1997 à 2004 : Juriste droit des contrats / Acheteur Prestations Intellectuelles au Centre National d'Etudes Spatiales (Paris)
  • De 1995 à 1997 : Juriste droit des contrats à l'OPAC de Paris